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Dreicc Dréan, peu avant son départ vers Irowa


Jeunesse sur Tell[]

Nom complet : Dreicc Dréan

Age : 22 ans à son arrivée.

Duché d'Origine : Orle.

Faction : Ancien Commandeur des Chevaliers Oblats.

Religion : Luministe.


Profession : Armurier, Juriste, Expert en génie militaire, Capitaine de la Garde de Port Lumière.


"Le vent gonflait les voiles, les mouettes criaient, deux dauphins jouaient dans le sillage du bateau. Dreicc était accoudé au bastingage, l'air pensif, le visage fermé. Sa famille faisait partie de celles qui auraient pu prétendre au titre de Duc d'Orle, mais ce traitre d'Arius Brondegar les avait fait évincé pour conserver le titre suite à la mort de son frère ainé, d'une maladie inconnue et fulgurante... Son père, un homme sage mais froid, intelligent mais lâche, complotait depuis des années en fouillant les bibliothèques du duché pour trouver de nouvelles preuves de ses droits au titre.

Dreicc avait été élevé comme s'il allait être amené à diriger un jour bien que cela ne se produirait sûrement jamais : cour d'escrime, pour la force et l'adresse (mais aussi le courage), un précepteur érudit pour l'astuce et la culture, un prêtre pour la vertu. Mais il avait passé la majeure partie de son enfance à regarder la mer sur un ponton de Port Constance au cours de ses nombreuses fugues pour échapper à la pression paternelle. Aujourd'hui, même si cela l'obligeait à quitter la région qu'il aimait pour le calme de ses forêts et son mode de vie paisible, il allait découvrir l'aventure, explorer le nouveau monde.

Son père s'était d'abord opposé à cette folie, arguant qu'un vrai fils d'Orle ne court pas les routes et ne traverse pas les océans, il défend les intérêts de sa famille et de sa lignée. Mais Dreicc en avait assez de subir son joug, de n'être qu'un pion dans ses machinations : il tracerait son propre chemin. Et si cela pouvait lui permettre de promouvoir ce qu'il y avait de mieux dans son duché, la sagesse, la paix, alors tant mieux. Il se taillerait une part d'Irowa pour son bonheur personnel et la gloire de son Duché.

Rabattant sa cape sur sa silhouette élancée, il se dirigea vers le pont inférieur pour y dormir, espérant trouver un peu de répit et de ressources pour affronter l'avenir.

Sa foi en Dieu (et son dédain pour toutes les pratiques monastiques modernes qui ne font qu'éloigner les fidèles de l'idéal du Bien) l'aiderait sûrement, et son savoir dans le maniement des armes serait fort utile. Si cela ne suffisait pas, il était prêt à mettre à profit son savoir dans le domaine militaire pour se nourrir. Bretteur efficace et hardi, il ne craindrait sûrement pas les créatures nocturnes dont parlaient les colons dans leurs missives. Il avait étudié la meilleure façon de se battre selon le terrain, de se fortifier, et avait passé beaucoup de temps à s'imprégner des mémoires des grands généraux de la Guerre des pestiférés."

Extrait de l'ouvrage "Biographies des Colons et des Conquérants, Tome 2, Dreicc Dréan" par le moine copiste Jehan Coulomb.

Vie en Irowa[]

Arrivé à Port Lumière désargenté et sans profession, mais fort d'une éducation de qualité, Dreicc se lia d'amitié avec Anthèlme, alors simple tailleur de pierre, et Théobald, un agriculteur bon vivant. Ce dernier lui prêta même une somme d'argent pour l'aider à s'installer. Sociable, le jeune homme se fit rapidement connaitre des habitants les plus influents de la cité, et devint membre de la Garde Urbaine. Chargé de la sécurité de tout ce qu'abritaient les remparts, Dreicc oeuvrait sous les ordres de Gaspard, alors maire et gouverneur. Il eut l'occasion de jauger le tempérament intrigant des habitants d'Irowa, même si Port Lumière était alors une petite bourgade tranquille où seules quelques querelles de voisinage ou de commerce troublaient l'ordre public.

Doté d'un solide sens moral, Dreicc n'hésita pas à s'insurger contre les brimades faites aux monastiques et aux prisonniers indigènes ramenés d'expéditions en pleine jungle. Il déclencha le fameux Schisme en frappant au visage son supérieur hiérarchique, Gaspard, sous les yeux effarés de ses partisans. Le conflit qui s'en suivit amena Dreicc à être désigné par ses pairs Commandeur des Chevaliers Oblats. Ce Chapitre avait pour vocation de s'opposer au pouvoir devenu hégémonique de Gaspard, et de son Ordre Ancien. Les deux factions, férocement indépendantistes, luttaient pour le contrôle des ressources et des coeurs afin de prendre la domination d'Irowa.

Après un premier échec militaire où il découvrit la réalité des batailles au canon et à l'épée, Dreicc prit en main une campagne militaire audacieuse et efficace, durant laquelle ses frères rivalisèrent de bravoure et de talent pour damer le pion aux séides de l'Ordre. Bien qu'ils n'étaient originellement pas des soldats, et que la hiérarchie au combat était inexistante, les chevaliers oblats firent montre de prédispositions pour l'art de la guerre dignes des plus grands. Les tactiques du Chapitre étaient basées principalement sur un usage ciblé des armes modernes, notamment le canon pour percer les fortifications, et des attaques fulgurantes pour désorganiser et démoraliser l'ennemi. Elles sont à présent enseignées dans tous les manuels d'histoire militaire, notamment grâce aux récits du comte Hadrien de l'Ordre Ancien, qui malgré lui a facilité le travail d'archives en faveur de ses adversaires victorieux. Les Chevaliers Oblats n'ont connu que des victoires pendant tout le reste de la guerre, tant en terrain plat que lors de la prise des tours de guet contrôlant les divers domaines, et la légende veut que Gaspard lui même, après avoir essuyé plusieurs blessures, eusse pris l'habitude de combattre en tunique pour pouvoir se replier plus facilement, sans d'emcombrantes protections.

Pendant toute la durée des combats, les chevaliers oblats aménagèrent le Monastère, une forteresse juchée sur quatre imposants monolithes de roc hauts de plus de cent pieds. Cette place forte devait à terme être le coeur spirituel d'Irowa, peut être même le futur siège de l'autorité qui s'opposerait au Roi de Tell pour lui disputer la souveraineté de la colonie. Le Monastère ne fut cependant jamais terminé, et est resté en l'état.

Dreicc avait dû apprendre l'armurerie auprès d'un forgeron de Port Lumière pour pouvoir subvenir à ses besoins. Originellement maitre fléchier, il fit montre d'un talent pour le battage du métal, ce qui amena son maitre à lui enseigner la fabrication d'épées et d'armures. Au moment du Schisme, il avait déjà maitrisé le savoir nécessaire pour armer lui même ses troupes en dirigrant la Forge de son Domaine, dit de Vilefange. Ce lambeau de terre marécageux racheté à la mairie après la disparition de Conomor servit de base avancée et de soutien logistique tout au long du conflit. Dreicc y fabriqua la première lame de Diamant selon d'anciennes techniques indigènes transmises oralement. Cette faveur avait été faite aux oblats suite à la libération de Tostaky, un prisonnier indigène que le nouveau gouverneur avait exhibé sur la place de Port Lumière pendant des semaines. Lors d'une intervention discrète mais dangereuse, après avoir soudoyé la garde urbaine pour qu'elle n'intervienne pas, les oblats ont libéré l'indigène, mais l'Ordre Ancien a tenté de s'y opposer, sans succès. Les armures de diamant ont suivies, et la débacle des Anciens ne fut que plus prompte. Terrés dans leur Forteresse Grise où ils avaient englouties leurs richesses, les Anciens attendaient le coup de grâce, sans espoir mais avec l'honneur qu'ils portaient comme vertu primordiale depuis le début. 

Dreicc dirigeait les chevaliers en tant que Commandeur, il devait définir les cibles des assauts, prendre les décisions stratégiques au nom du groupe, et assurer que la logistique suive l'évolution du conflit. Le Conseil du Chapitre ne se réunissait presque plus, mais Anthèlme restait un soutien précieux et un conseiller pertinent pou les décisions les plus cruciales. Les autres oblats suivaient sans hésitation les décisions prises par les deux hommes.

Mais les oblats, à deux doigt de la victoire totale et de l'élimination de leur ennemi juré, Gaspard, furent frappé d'un mal terrible : la maladie. Une maladie inconnue des colons frappa, et les trois quart des hommes furent fauchés sans que les ni les apothicaires de Port Lumière ni les sorciers indigènes ne puissent rien y faire. La panique gagna les rangs oblats, une rumeur de malédiction se répandit, et ceux qui ne pourrissaient pas sur pied vendaient leurs armes et fuyaient la région. Les populations civiles refusèrent de recevoir les patrouilles devenues des porteuses de mort, la peur gagna la contrée. Des soulèvements eurent même lieu sur certains domaines, des bandits profitèrent de la corruption de la milice pour piller des villages, et Dreicc était désarmé face à ce fléau inattendu.

Théobald, autrefois un paysan débonnaire, courageux et tolérant, parmi les fondateurs du Chapitre, était progressivement devenu une ombre blême. Après plusieurs semaines de fièvre qui vinrent à bout de sa constitution pourtant solide, il mourut du même mal que ses suivants, qu'on appelle désormais le Fléau des Oblats. Le Chapitre n'était plus qu'un ramassis de loqueteux et de mercenaires à qui l'on avait promis une part du butin des Anciens si leur Forteresse tombait. Dreicc prit une décision difficile, attaquer le tout pour le tout, malgré la maladie et les désertions, pour frapper avant que l'ennemi de profite de l'aubaine et ne sorte de son repaire pour reprendre une à une les bourgades conquises.


Extrait de "Les Grands Hommes d'Irowa", par Raoul Nouet, sur la base d'écrits et de témoignages.

Extraits de ses Oeuvres : Morceaux Choisis[]

Premier Ouvrage de Dreicc Dréan, autobiographie : "Fin des Oblats" :

"Gaspard est mort. ce pourquoi nous nous battions est presque achevé. Les chevaliers oblats ont triomphé militairement mais nous n'avons pu porter le coup de grâce. Ce tyran fou est décédé sans que l'on sache de quoi, mes espions m'en informeront dès que possible. En attendant, il s'agit de savoir ce que nous allons faire. Notre Chapitre s'est uni pour faire face au luminisme fanatique et à la main de fer de Gaspard. Mais nos opinions divergent quant à l'avenir...  Je pense que la guerre a assez duré, il faut changer de méthode. Cet eldorado du diamant dont parlent les éclaireurs sera l'occasion de nouvelles tensions, mais de nouvelles opportunités se présenteront. Nous devons empêcher que les royalistes et les Anciens ne s'enrichissent au point de rétablir par l'or ce que l'honneur n'a pu faire. Je crains que le Régent ne décide de nous amadouer à défaut de nous vaincre, qu'il nous séduise plutôt que de nous discipliner. L'appât du gain pourrait avoir raison du plus pieux d'entre nous et provoquer la discorde. Les monastiques de nos rangs doivent se rappeler que leurs préceptes leur commandent une vie simple, et les luministes éviter la tentation du péché d'Envie. La cupidité nous guette tous. La course à la gloire vient de se terminer, mais c'est pour mieux céder la place à celle de la richesse.

La secte semble avoir été éradiquée. La rédemption d'Arhkam le Fou a apparemment amené Dieu à prendre son fils en pitié et à le protéger de la marque des ténèbres qui a mené son père vers la damnation. Qui sait ce qui a mené cet homme vers une obscurité si profonde. Je pense m'attarder sur l'étude du culte afin de mieux comprendre quel ennemi il peut représenter... Il ne faut pas négliger un pouvoir qui a pu libérer un homme de sa prison sans que personne ne s'en rend compte à temps. La populace semble leur avoir fourni un soutien, il faut purger l'hérésie de cette ville. Anthèlme occupant la place de maire, je sais que la corruption des élites est endiguée.

Nous avons attaqué la Forteresse Grise, malgré les pertes que la paludisme a causé dans nos rangs. Théobald lui même est cloué au lit depuis plusieurs mois. Nous avons tenu à donner le coup de grâce pour en finir avec ce conflit par l'anéantissement définitif de l'ennemi, en prenant son bastion. Mais cela nous a couté cher. Les Anciens ont défendus avec l'énergie du désespoir leur forteresse truffée de pièges, que nous avons dû attaquer avec prudence plus que rage. Nos diversions ont permis à Anthèlme de percer une brèche dans l'un de leurs tunnels, par lequel nos forces ont pus pénétrer dans l'entrepôt. Alarmés, les défenseurs se sont repliés sur une base cachée en haut du plateau. Les mercenaires que nous avions payé pour combler nos pertes passées se sont fait taillés en pièces par la garde d'Hadrien, ou ont finis leur vie en bas du précipice que surplombaient leurs meurtrières. Après avoir repoussé nos troupes, Hadrien a mené la charge sur le plateau, poussant Anthèlme à la retraite avec nos survivants. Submergé par le nombre et la fureur des soldats fanatisés par la gloire promise de leur chef, j'ai été jeté de la falaise. Ma chute a été amortie par le toit de chaume d'un batiment, mais j'ai souffert de nombreuses blessures. Mes écuyers ont dus me débarrasser de mon armure pour sortir de là, inconscient et brisé. Cette défaite est d'autant plus cuisante que nos armures de diamant sont passées à l'ennemi. Cette technologie indigène permettant d'obtenir des protections impénétrables à base d'un minerai précieux est à présent un simple produit haut de gamme des armureries de Port Lumière. La ruée vers le diamant est passée par là. Les Chevaliers Oblats sont au plus bas depuis bien longtemps. La maladie et le doute nous ont poussés à la faute de lancer l'assaut sans bénéficier de tout notre potentiel. L'amertume d'avoir jeté mes hommes dans la gueule du loup n'égale que ma honte d'avoir dû céder la victoire à Hadrien, qui par là même fonde sa légitimité au commandement. Ses hommes voient en lui celui qui est à même de faire ce que Gaspard n'a pu que rêver, repousser la racaille pro-monastique que nous sommes. Nous contrôlons encore l'immense majorité du territoire, des routes commerciales et des tours de guet, mais les domaines des notables Anciens nous narguent en leur fournissant un appui décisif. Ils vont surement se servir de leurs ressources et de leur assurance retrouvée pour tenter de nous ravir la domination des terres que nous avons libérées. Dans le même temps, Zolta apparait comme une puissance émergente dont la neutralité ne saurait durer... Même si elle ne prend parti pour un camp ou l'autre, ses ressources seront importantes dans le basculement de la guerre. Nous avons négligé cela alors que les Anciens ont placés leurs pions, il nous le feront payer cher.

Dreicc le fourbe, c'est donc ainsi qu'ils me qualifient...  Affubler son ennemi d'un sobriquet aussi bas et puéril, voilà bien tout l'Honneur et le Courage des Anciens. Ils ne pensent qu'à leurs titres, un simple mot peut les pousser à des actes terribles, sans doute pensent ils que je dois les hair de me mépriser de la sorte. Mais je n'en ai cure, ce qui différence un homme juste d'un gredin n'est pas la taille de son domaine ou son rang, ce sont ses actes. C'est pour cela que mes frères d'armes m'ont maintenu en place depuis le Schisme. Si j'avais causé la ruine de mon camp comme Gaspard l'a fait, j'aurais été destitué. Mais peut être que sa mort mystérieuse est simplement un assassinat d'Hadrien, dont nous savons qu'il est moins droit et pur de coeur qu'il le fait croire. Les Oblats ont prêtés serment de combattre gaspard pour permettre aux monastiques de vivre en paix, les moyens employés pour gagner une guerre ne comptent peu ou pas. Nous n'avons pas massacré de civils, mais nos espions se sont avérés particulièrement efficaces durant cette guerre. Les Anciens ont été dépassés militairement et psychologiquement, et pourtant aujourd'hui j'en viens à douter de la légitimité de ma mission. Peut être que le fléau qui anéantit mes hommes est une punition du Premier, qu'il indique par là que nous n'avons pas respecté ses préceptes. Mon âme est troublée par cette question, car quel serait notre droit de nous opposer à la volonté divine pour notre confort ? Si l'Ordre Ancien est un Ordre Divin, nous sommes impuissants. Mais les épreuves qui se dressent sur notre route, les Anciens les ont connues eux aussi. Après tout, la guerre entre luministes est un péché terrible, nous ensanglantons la paix du premier qui doit résider entre les hommes. Mais nul ne pouvait tolérer plus longtemps les méfaits de Gaspard, je ne regrette rien de mon engagement dans cette histoire, de mon coup de poing sur la place de Port Lumière qui déclenché l'émeute aux multiples escarmouches qui ont suivies, victorieuses ou non.

Le monastère est désert. Les quelques silhouettes de moines encapuchonnés qui le parcourent sans bruit me paraissent des fantômes. Nos soldats autrefois fiers ont rangé leurs épées pour des remèdes d'apothicaire, et l'espoir de la victoire à cédé la place à celui de la miséricorde divine. Mourir au combat en faisant fièrement face à l'ennemi est une chose, se voir lentement déperir, regarder la fatalité approcher sans rien pouvoir y faire jusqu'au jour où notre dernier souffle nous quitte, c'est tout autre chose. J'ai été frappé par le même mal que mes frères, mais j'ai survécu, bien que je sois plus faible et hagard que jamais. Ma plume me semble peser plus lourd qu'une épée, mon esprit est confus, et les cérémonies de bénédiction des corps me rendent chaque jour plus amer. Ceux de mes guerriers qui avaient survécu à la maladie sont pour la plupart partis vers des terres plus saines, rompant leur serment en prétextant une malédiction divine attirée par notre rébellion. Les garnisons des tours de guet qui parsèment le territoire ont quitté leur poste, retournant à la vie civile, se dspersant dans la population pour ne pas être persécuté par les Anciens. Une partie de nos gardes a été corrompue par les bandits qui commencent à arpenter la région, et ils ont revendus leurs armes sans se poser de questions.

Les brigands, la piere engeance que le monde porte, la bile que Tell nous vomit par bateaux entiers, meurtriers et malandrins, ils accourent tous pour que nos stocks d'armes n'aient pas le temps de rouiller dans nos armureries. Le Monastère est épargné, car les bandes de coupe-gorges qui sévissent en Irowa craignent d'être contaminés par le paludisme, du moins pour le moment... L'avenir est sans espoir de fin heureuse, les Chevaliers Oblats appartiennent désormais au passé. Je vais prononcer officiellement la dissolution de mon Chapitre, que j'aurais dirigé de sa fondation à sa fin tragique.

Si Hadrien parvient sous mes murs, je crois que je n'aurais plus qu'à sauter de la muraille si je ne veux pas qu'il me prenne vivant. Seul et affaibli, je leur résisterais pas longtemps... A supposer que les Anciens ne se désintéressent tout simplement pas de moi et de la poignée d'hommes qui me reste. On dit qu'hadrien aurait changé depuis notre siège désastreux, que la certitude de mourir qui l'a finalement poussé au triomphe le hante à présent. Il est vrai que d'un certain point de vue, il s'est préparé à mourir et doit maintenant affronter la suite de son existence sans savoir où le mènera son destin. Il est possible que lui seul sache ce qui a tué Gaspard, et qu'il craigne pour sa vie de la même manière.

J'ai usé de mes prérogatives de Commandeur pour libérer les moines qui vivaient encore avec moi de leur serment. Que ceux qui sont partis vivent en paix, je leur pardonne la faiblesse et la traîtrise, il n'est pas donné à tous d'avoir le cran de suivre ses frères et son devoir jusque dans la mort et la malédiction. Les monastiques que nous protégions se sont partagés le contenu de l'entrepôt pour démarrer une nouvelle vie, je leur ai garanti que les Domaines des nobles malades garantiraient leur sûreté si les persécutions reprenaient. Le Gouverneur n'oserait pas prononcer d'assaut sur l'un des Domaines que nous possédons, il a placé toute propriété privée sous sa protection, trop heureux de pouvoir demander l'appui de l'armée royale si l'une des deux factions rebelles avait attaqué des terres appartenant à un notable royaliste. Il perdrait toute crédibilité en nous prenant des terres qu'il nous a vendues pour enrichir le trésor public.

J'erre dans des corridors désormais totalement vides, seule la poussière voletant dans le soleil du soir me donne l'impression que les âmes de mes soldats hantent encore ce lieu. Le vent souffle une complainte lugubre par les carreaux brisés, je reste seul, assis dans mes quartiers, avec assez de nourriture pour survivre encore quelques mois. Je combats la maladie avec la force inéluctable que l'on déploit lorsque quelque chose d'inéluctable nous frappe. Mes hommes se sont laissés mourir parce qu'ils ont perdu la foi. Pas moi. Chaque jour que je passe seul dans ce lieu aiguise ma détermination. Je passe de longues heures à contempler l'horizon depuis les remparts, et la silhouette scabreuse que les éclaireurs des bandits aperçoivent les dissuade d'approcher.

Enfermé. Pour la seconde fois de mon existence, je goûte aux frustrations et aux colères de la vie carcérale. Mas cette fois-ci, dans mon propre cachot. Celui-là même où Arhkam a moisi avant qu'il ne s'échappe et ne déclenche une période de trouble dans Port Lumière. Hadrien a finalement daigné entrer dans le Monastère, pour savourer pleinement son triomphe. Engoncé dans mon armure récupéré lors du siège infructueux de sa citadelle, accompagné du rejeton de l'Immoral, Mors de Bierschak, il m'a jeté dans une cellule en vue d'un jugement pour Haute Trahison à la Couronne. J'aurais selon sa version des faits porté atteinte aux intérêts de la population d'Irowa toute entière en m'élevant contre l'autorité, ce qui m'expose à la peine capitale. Hadrien s'y connait dans le domaine de la trahison, lui qui a servi Gaspard lorsque celui-ci a vidé la caisse de la banque pour se lancer comme Comte autoproclamé d'un ordre féodal dépassé. Mors est étrange, il m'observe en train d'écrire...

La porte s'est enfin ouverte de la main inattendue d'un bienfaiteur mystérieux, Mors de Biershack rachètera t-il l'âme de son père par d'autres actes de ce type ?

Hadrien, mon ennemi, mon geôlier, je te laisse ce livre en guise de consolation de la découverte amère de ma fuite peu honorable vers une nouvelle vie. Que l'Unique nous accorde à tous une paix prompte et durable...

Second Ouvrage authentifié : Les "Mémoires".

Le pouvoir corrompt les coeurs aussi sûrement que la gangrène noircit les chairs. Après seulement quatre ans passés sur ce continent maudit, je suis déjà bien différent du jeune homme qui a débarqué ici, plein d'espoir et d'insouciance. Seule la nature me semble encore noble et innocente. Le calme de l'océan, les mystères de forêts, la fierté sereine des montagnes m'apaisent lors de mes voyages. Irowa n'est pas le pays de Cocagne qu'on a promis aux colons venus civiliser cette terre. C'est une contré dont seuls les habitants connaissent la vraie nature, un monde inhospitalier qui aurait dû rester aux mains des indigènes... Les monstres, simples légendes sur Tell, sont ici bien réels. Port Lumière semble le seul phare épargné par la désolation et la décrépitude. Après mon Chapitre, les Anciens aussi ont connus la fin, de même que toutes les factions qui se sont essayés à la domination d'Irowa.

La Guilde du Cygne, ce ramassis de rapaces avides, a disparu en même temps que son fondateur, Falko. Les bandits, reliquat des forces de l'Ordre Ancien reconvertis dans le brigandage et les exactions sanglantes, n'ont pas fait long feu non plus. Ces chiens nous ont donné du fil à retordre, mais nous les avons surpris dans nos murs, et exécutés le jour suivant leur capture. Enguerrant, ancien membre de l'Ordre, est mort de ma main, et si Edwald s'est échappé, il n'a pas résisté longtemps. Ce bougre nous a infligé une cuisante humiliation lors d'une embuscade où des molosses nous ont empêchés de nous battre efficacement. Heureusement, Louis Dumont, milicien prometteur, lui a tendu un piège et l'a assommé, prétextant une réunion secrète après l'avoir retrouvé. Combatif comme un loup mais pas fin comme un renard, Edwald est tombé dans le panneau. Je l'ai moi même tourmenté pour arracher l'endroit où il avait caché le butin de ses compères, mais il n'a rien lâché. J'avais toujours refusé d'utiliser la torture, que je considérais comme un moyen inhumain et barbare d'arriver à ses fins, mais la cruauté latente en chacun de nous peut un jour surgir, et occulter nos valeurs et principes d'un revers de main. La colère et l'ivresse m'ont amené à faire souffrir cet homme de façon odieuse, et je mentirais si j'affirmais avoir regretté cela. 

Mais Edwald était surtout celui qui m'avait blessé lors de la bataille de la Forteresse Grise, et mon orgueil blessé s'est vengé de ce souvenir. Le dernier des Anciens a payé pour ses frères en fuite, et force est de constater qu'il s'est montré brave. Cerné par deux de mes hommes, debout malgré un pied tranché, amaigri et le regard vide, il s'est laissé tomber dans la fosse où l'attendaient une demie douzaine de chiens affamés, trouvés dans les ruelles les plus pauvres de Port Lumière.

L'Unique m'a amené à pêcher, moi qui rêvait d'une vie plus vertueuse en m'éloignant de la Cour d'Orle. Mais j'ai aussi dû faire bien pire que de décapiter un vieux soldat renégat comme Enguerrand. J'ai dû mettre à mort Mors de Bierschak, le fils d'Arhkam, et cela m'a coûté. Son procès pour le meurtre d'une prostituée qu'il voulait faire passer pour sa soeur m'a percé le coeur. Ce jeune, que j'avais essayé d'éloigner de l'hérésie qui le guettait dans l'ombre, a fini par sombrer dans la même folie que celle de son père. Autrefois vif, bon, candide, il est devenu un monstre cynique et ses seuls sentiments étaient la colère et l'envie. Anthèlme l'a condamné au bûcher, et en tant que Capitaine de la Garde j'ai exécuté la sentence. Mors, à mi chemin entre notre monde et l'Inferno, vomissait une bile noire en délirant et en se débattant, pris de spasmes. L'Unique a guidé mon bras, et je l'ai trainé sous les yeux de la foule jusqu'à son bûcher, à l'emplacement exact où son père avait connu un sort identique. Alors que les flammes léchaient ses chairs, il m'a gratifié du même regard que son géniteur, lui qui m'avait pourtant sorti du cachot où Hadrien m'avait enfermé.

Je comprends aujourd'hui que j'ai protégé un monstre par empathie et par sens de l'honneur, pour avoir respecté la dernière volonté d'Arhkam. J'ai refusé de voir que les forces obscures qui l'ont mené à la folie n'avaient cessé de le tenter, depuis son arrivée. Sa dernière phrase m'a glacé l'échine. D'un ton ferme, malgré la douleur de son calvaire qu'il semblait ignorer, il s'est écrié "Elle arrive". Bien que ce soit les divagations d'un dément sur la fin, cette idée me suit constamment. D'autant plus que sa femme, Charlotte, est venu en Irowa, pensant le rejoindre. Elle a depuis trouvé sa place parmi nous, du moins je l'espère.

Des nouveaux arrivants apportent du sang neuf. Le moine Antoine m'a l'air des plus respectables, un homme qui choisit une vie simple et vertueuse ne peut que l'être. Quand à Jean Gaudart, il découvre les joies de la vie en Irowa, où les titres ne servent à rien, et où polémiquer est souvent mal vu. Cet homme insignifiant se fait une joie de me descendre dans toutes mes actions, vraisemblablement par jalousie, peut être parce que le Gouverneur me confie des responsabilités... L'ironie du sort est parfois étrange : il y a encore quelques années, je me battais contre Gaspard, et à peine parti il est remplacé par ce Marquis de la Tourette. Ce n'est pas un tyran assurément, mais c'est un parvenu qui a grandi dans la soie et le luxe ; il vit maintenant cloitré dans son palais, déléguant toutes ses tâches à Anthèlme et moi même.

Mais c'est pour le mieux, c'est même la meilleure solution possible. Nous nous attirons pas la haine du roi parce que nous nous soumettons officiellement à lui, mais d'un autre côté nous gouvernons comme il nous sied. Je pense que c'est la meilleure finalité que les préceptes oblats peuvent rechercher. Il faut savoir faire des concessions pour gouverner, l'intérêt général est à ce prix. De plus en plus d'hommes ambitieux cherchent à me nuire, Jean Gaudart n'est qu'un plaisantin comparé à certains autres. Falko ne s'est décidé à se taire qu'en voyant ses ennemis de l'Organisation suppliciés sous les fenêtres du Palais ; aujourd'hui Louis Dumont, qui a quitté la Milice pour la Mairie de Zolta, enrage de voir le Gouverneur me confier la gouvernance de Laurvain, son Conseil ayant été estropié par le départ d'Hendryk.

Tiens, en voilà un que je n'avais pas encore cité, et ce n'est pas faute de contenus à son sujet. Cet alcoolique aurait pu se montrer un milicien utile, mais il était bien trop lâche et trop mou. Imbibé du matin au soir, il a fini par nous laisser à notre sort, Antoine, Jean Gaudart et moi, en plein Inferno, à l'issue d'une expédition où il n'a cessé de nous semer. Curieux personnage, tantôt incapable de tenir un bandit arrêté, tantôt à même de perdre un explorateur et un militaire vétéran de nombreuses filatures en les laissant sur les carreau, disparaissant derrière des buissons ou bondissant dans la canopée, machette à la main.

Encore une chose à la liste des phénomènes surprenants d'Irowa : des lettrés calmes et cultivés se révèlent des hérétiques sanguinaires, des nobles épris d'idéaux finissent en gouvernants calculateurs et prêts à tout, des soldats prêts à mourir pour leur Honneur utilisent des moyens déloyaux pour piller des richesses, et maintenant un poivrot titubant donne une leçon à un explorateur autoproclamé en matière de déplacement en pleine jungle.

Ce qui m'étonne le plus, c'est que celui dont je suis le plus proche est celui que je semble cerner le moins. Anthèlme, peut être mon seul ami sur ces terres brutales et vicieuses, est quelqu'un de formidablement difficile à comprendre. Il semble toujours faire preuve d'un détachement sans limite. Qu'il soit face à un bûcher ou face à un étal, ses sentiments transparaissent difficilement. Non pas qu'il n'en ait point, mais ils restent indéchiffrables. Malgré tout, je lui fais confiance, nous avons vécu suffisamment d'aventures pour que je sois certain de sa valeur et de la pureté de son âme.

Cependant, je pense qu'il restera une énigme pour beaucoup. Maire besogneux, et homme lettré, il n'en est pas moins à l'aise sur un champ de bataille ou durant une expédition aux moyens rudimentaires. Bien qu'il soit l'homme le plus riche à des milliers de lieues à la ronde, il ne vit pas comme un roi, et semble ne même pas se soucier de sa fortune. Juge impartial, il a fait preuve d'une autorité redoutable lors des procès des bandits, et la colonie peut considérer qu'elle est dirigée d'une main de fer dans un gant de velours.

J'ignore si la paix apparente se maintiendra encore longtemps. Dans l'ombre des maisons battues par les embruns, des complots se trament sûrement, des vies se jouent comme aux dés. Nombreux sont les hommes avides à venir en Irowa, et j'en viens à douter moi même de ma probité lorsque je regarde mon parcours. Le bon droit me semble une simple illusion à présent, tout est question de mesure. Les idéaux nacrés de la Vérité et de la Justice ne sont que des chimères, citées à tort et à travers par tous ceux qui veulent légitimer leurs actions. Peut être que seul l'Unique tire les ficelles de toutes les machinations qui se sont tramées dans Port Lumière et aux alentours.

Je me sens plus insignifiant que lorsque je n'étais qu'un simple citoyen fraichement débarqué, malgré mon rang actuel. Mais cette prise de conscience rude était nécessaire, peu importe que le Bien ne soit qu'une idée, ce qui est tangible, c'est que celui qui tient les rênes du pouvoir applique sa volonté aux autres. Et pour garantir que les habitants de ce pays vivent, correctement, il en faut pour se salir les mains, pour éliminer ceux qui ne cherchent que leur intérêt propre. En tant que Capitaine de la Garde de Port Lumière, je suis le bras armé du peuple d'Irowa, prêt à tout pour que Port Lumière reste encore longtemps une ville en paix. Et gare à ceux qui se mettront en travers de ma route, car ils rejoindront dans les fosses mes précédents adversaires. La pitié est un luxe que je n'offre qu'à ceux qui ont une chance de rédemption.

Ces mémoires seront pour ceux qui me suivront sur cette terre un témoignage de mon passage. Apprenez si vous ne le savez pas encore, qu'en Irowa seule la prière vous aidera. Vos semblables cachent tous à leur manière des secrets qui pourraient bien un jour les amener à vous trahir, et même le sourire le plus clair peut n'être que le prélude d'un coup de poignard futur. La méfiance n'est pas seulement votre meilleure alliée, elle est votre seule chance de survie ici bas. Les démons de l'Inferno ne sont que des brutes stupides, tout comme les morts vivants qui pullulent sur ces terres une fois le Soleil couché. Votre pire ennemi a un visage humain et des traits familiers.

Les épées ne sont que les esclaves de volontés malades et corrompues. Lecteur, en Irowa, la mort a moins de te saisir dans ton lit entouré des tiens que de la main d'une personne que tu as fréquenté ou d'une maladie inconnue qui te fauchera. Tâche donc de t'assurer que ceux qui t'accompagnent sont fiables, et que tu es en paix avec l'Unique. Le Verbe et le Fer seront tes deux meilleurs alliés en ces lieux, les deux te protégeront et te permettront de vivre comme un homme et non comme un esclave.

Extrait tiré des notes retrouvées à sa mort, non daté, passage intitulé "Les murmures" :

Quelque chose a changé depuis que la maladie a frappé le monastère. Je me sens perpétuellement observé, ma tête me brûle et pourtant je me sens comme habité d'une force nouvelle.  J'ignore pourquoi j'ai été épargné presque miraculeusement par le paludisme qui contaminait chaque recoin de notre forteresse. C'est un signe, j'ai été protégé par une entité. La colère de l'Unique m'a épargné. J'ai finalement réussi à trouver après maintes recherches un ouvrage sur la secte de la Dame Sombre, qu'Arkham avait rédigé lorsqu'il était encore sain d'esprit.  Ce que j'y ai lu est terrifiant. Je m'attendais à ce que ma ferveur luministe me protège du doute et de l'hérésie, mais aujourd'hui j'en viens à trembler quand je pense que l'Unique que nous vénérons n'est peut être pas le seul être divin à influencer nos vies. Il est simplement celui qui s'est imposé aux autres dieux, et qui aurait créé l'humanité à son image : vindicative, conquérante, avide de pouvoir et de possessions... J'ai longtemps cru que le fléau qui a frappé les oblats était une malédiction de l'Unique, qui par là même nous signifiait que notre guerre entre croyants était un péché impardonnable, mais à présent je crois saisir l'horrible vérité. Le premier cas de paludisme dans l'enceinte du monastère a été détecté chez un geolier, qui avait la charge d'amener la nourriture aux prisonniers. Cet homme s'était plaint d'avoir été griffé par Arkham lors de son passage dans notre cachot, et la blessure, jamais vraiment refermée mais minime, l'avait contaminé...

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